Volvo P1800 : le secret
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Volvo P1800 : le secret
Vedette de série télé, détentrice de records, icône du design, la P1800 a connu une carrière pour le moins intéressante. En plus, elle a caché un secret pendant près de 50 ans!
Fondée en 1926, Volvo n’est encore, plus ou moins, qu’une marque limitée au marché suédois au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Très vite, elle se tourne vers l’exportation et commence à distribuer ses véhicules en Amérique du Nord dès 1956. Ce marché est vu comme une priorité par la direction qui, la même année, démarre la production d’un modèle sport : la P1900.
En développement depuis 1953, ce cabriolet repose sur un châssis modifié de PV444 avec une carrosserie en fibre de verre, une solution inspirée de la Corvette. Les panneaux extérieurs sont fournis par Glasspart, une compagnie basée en Californie également impliquée dans la fabrication de la Kaiser Darrin. Le rythme de production est lent. En avril 1957, Gunnar Engellau, le nouveau directeur de Volvo, passe quelques jours au volant d’une P1900. Il trouve que le manque de rigidité du châssis et la qualité de l’auto sont aptes à faire du mal à la réputation du constructeur qu’autre chose. Il ordonne la fin de la production. Seuls 67 exemplaires et 3 prototypes seront fabriqués.
La filière italienne
Mais l’idée d’un coupé sportif n’est pourtant pas abandonnée dans l’esprit d’Engellau. D’autant qu’il sait qu’il peut compter sur la plate-forme de la nouvelle Série 120 (ou Amazon pour le marché suédois). Il veut cependant garder toutes les ressources internes de la marque pour le développement de leur nouveau produit, tant au point de vue du design que de la fabrication. Il charge Helmer Petterson, un ingénieur consultant qui a travaillé sur la PV444, de trouver des partenaires. Engellau souhaite collaborer avec un carrossier italien, ce qui tombe bien car le fils de Petterson, Pelle, est en stage chez Ghia après avoir étudié le design au Pratt Institute de New York. Pelle Petterson est en fait plus intéressé par les bateaux. Il en dessinera plusieurs, gagnera deux médailles olympiques en voiliers de classe Star, concourra à la coupe de l’America et obtiendra plusieurs titres internationaux en classe 6 mètres.
En 1957, le patron de Ghia, Luigi Segre, vient d’acquérir le carrossier Frua, fondé par Pietro Frua en 1944. C’est lui qui se chargera du projet Volvo. Quatre dessins du carrossier sont remis à la direction de Volvo, plus un cinquième réalisé par Pelle Petterson mais non signé. Engellau choisit sans grande hésitation ce dernier, croyant sélectionner le travail d’un designer italien. Lorsque la vérité finit par sortir, il est furieux et reproche à Petterson d’avoir trahi la confiance de la compagnie. Quoi qu’il en soit, le dessin parle pour lui-même et Engellau (voir photo ci-dessous) décide d’aller de l’avant, à une condition : Pelle Petterson ne sera jamais nommé et c’est Frua qui en aura le crédit. Il faudra attendre 2009 pour que le secret soit dévoilé et que Volvo attribue officiellement la paternité des lignes à Petterson.
Fin 1957, Pietro Frua quitte Ghia pour fonder son propre bureau de design. C’est là que sera complété le premier prototype en décembre 1957, baptisé P958-X1. Deux autres, X2 et X3, suivront début 1958. Les formes définitives sont très proches des croquis de Petterson. Reste maintenant à trouver un partenaire industriel car Volvo est en pleine croissance et n’a pas de capacité de production à perdre.
La filière anglaise
Helmer Petterson se rend chez le carrossier allemand Karmann début 1958. Les négociations avancent bien, des premiers plans sont réalisés et Volvo pense pouvoir lancer l’auto en décembre 1958. Mais Karmann reçoit un appel de son plus gros client, Volkswagen, qui lui demande de ne pas accepter le contrat (VW voyait le coupé Volvo comme un concurrent direct de son modèle Karmann Ghia). La recherche reprend, d’abord auprès d’autres carrossiers allemands (notamment Hanomag et Drautz), en vain.
Après des fuites dans la presse, le prototype P1800 est dévoilé en photos par Volvo au printemps 1959. Ce n’est qu’en janvier 1960 que les visiteurs du Salon de Bruxelles peuvent enfin admirer le véhicule de près. D’autres expositions suivront : New York en avril et Paris en octobre. Entre-temps, Volvo a finalement réussi à trouver où produire son coupé : en Grande-Bretagne. Les caisses en blanc seront fabriquées chez Pressed Steel, dans son usine de Linwood en Écosse, avant d’être expédiées par rail chez Jensen, à West Bromwich, pour l’assemblage final. Un contrat est signé pour 10 000 autos. Le passage chez Pressed Steel entraîne d’importantes modifications dans la conception des soubassements, qui n’ont à la fin plus grand-chose à voir avec ceux de l’Amazon.
Le projet prend du retard. Les premiers exemplaires de préproduction sortent de chez Jensen à la fin de l’été 1960. Mais la qualité n’est pas au goût des dirigeants de Göteborg, qui décident d’envoyer leurs hommes pour corriger la situation. Étonnamment, les ouvriers anglais n’ont pas tout à fait les mêmes standards que les Suédois… Les premières voitures n’iront chez les clients qu’à partir d’octobre.
La filière suédoise
Sous ses lignes « italiennes », la P1800 utilise un châssis monocoque. Le moteur est le B18 de 1,8 litre développant 100 chevaux. Il est accolé à une boîte de vitesses à 4 rapports synchronisés avec ou sans overdrive électrique Laycock de Normanville (selon les marchés). Les freins sont assistés avec des disques à l’avant et des tambours à l’arrière. Tradition Volvo oblige, les ceintures de sécurité à 3 points sont de série, tout comme le tableau de bord rembourré. Les deux places arrière sont réduites et davantage adaptées au transport d’objets que de personnes.
Le coupé est présenté en Amérique du Nord au Salon de l’auto de New York en avril 1961 mais n’arrivera que pour le millésime 1962. Dans son catalogue, Volvo le compare à l’Alfa Romeo Super Spider, l’Austin Healey 3000, la Porsche 356 Super 90, la Mercedes-Benz 190 SL et la Daimler SP 250… rien de moins! Mais à 3 995 USD, la P1800 est chère et ne s’en sort pas nécessairement favorablement face à ces concurrentes plus sportives ou plus prestigieuses. Pourtant, il s’agit d’une Grand Tourisme au sens le plus pur du terme en permettant d’avaler de longues distances tout en laissant son conducteur frais et dispo et en offrant une tenue de route saine. Mais, il y a aussi un autre problème…
Les difficultés de qualité chez Jensen et Pressed Steel n’ont jamais complètement disparu. Initialement, Volvo entendait produire 150 voitures par semaine, la réalité sera plus proche du tiers de ce volume... Quand la presse commence à s’émouvoir que la P1800 n’est pas au niveau des autres Volvo, les dirigeants de la marque décident de réagir. Le constructeur vient d’ouvrir une usine à Torslanda, en Suède, en 1962 et travaille au démarrage d’une autre à Gand, en Belgique (elle ouvrira en 1965). Elle possède dorénavant la capacité de production en interne.
C’est pourquoi la construction de la P1800 est rapatriée à l’usine de Lundby, en Suède, après seulement 6 000 exemplaires produits au lieu des 10 000 prévus. Volvo casse le contrat avec Jensen et devra payer des indemnités. Pressed Steel continuera de fabriquer la tôlerie jusqu’à l’hiver 1968/69, après quoi l’outillage sera envoyé en Suède.
Une vitre pour vitrine
Début 1963, avec quelques retouches (notamment à l’intérieur et au moteur, qui développe dorénavant 108 chevaux), la P1800 devient la 1800S (pour Suède). Le modèle évolue tranquillement au cours des années suivantes : nouveaux pare-chocs et grille modifiée en 1965; suspensions ajustées, nouvel essieu arrière et moteur de 115 chevaux en 1966; intérieur revu en 1967 et 1968.
L’année modèle 1969 est la dernière de la 1800S, ce qui ne l’empêche pas de bénéficier de changements conséquents : le B18 est remplacé par le B20 de 2,0 litres développant 118 chevaux, un double circuit de freinage est installé, la boîte de vitesses est revue et un nouvel essieu arrière est monté. Le millésime 1970 voit l’apparition de la 1800E (E pour Einspritzung, « injection » en allemand). Grâce à un système électronique Bosch, la puissance passe à 135 chevaux. De nombreuses améliorations sont également apportées : boîte de vitesses M410 ZF, nouvelles planche de bord et console centrale, nouvelle grille, freins à disque aux 4 roues, jantes en aluminium et ventilation retravaillée. L’année suivante, une boîte automatique (Borg-Warner BW35) est enfin proposée. Pour 1972, l’intérieur est encore revu et une nouvelle grille est installée alors que le système de freinage et l’essieu arrière sont modifiés. Mais ce n’est pas la plus grosse nouveauté du moment.
Depuis quelques années, Volvo essaye de faire évoluer le modèle. L’une des pistes envisagées est la création d’une version « break de chasse », qui corrigerait l’un des principaux défauts de la P1800 : un volume de chargement limité (des versions bicorps seront aussi étudiées). Des concepts sont réalisés par les carrossiers Coggiola et Frua. Finalement, c’est le dessin de Jan Wilsgaard (le légendaire patron du style de Volvo de 1950 à 1990) qui est retenu. Il intègre un hayon entièrement en vitre (un élément de style iconique qui sera repris sur la 480 de 1986 et la C30 de 2006, dessinée par le Québécois Simon Lamarre). Côté pratique, c’est une réussite puisque, avec les sièges arrière rabattus, le volume utile atteint le 991 litres. Ce modèle, baptisé 1800ES (pour Estate Sport), est vendu en parallèle de la 1800E durant 1972. À la fin de l’année, la 1800E tire sa révérence.
Le millésime 1973 est le bout de la route pour la 1800ES. En effet, de nouvelles normes de sécurité doivent entrer en vigueur aux États-Unis en 1974, demandant des modifications trop importantes pour un dessin qui a déjà 13 ans d’existence sur le marché. Le 27 juin 1973, le dernier véhicule sort de l’usine. La P1800 aura été produite à 47 485 exemplaires dont 9 421 1800E et 8 077 1800ES. C’est un volume certes réduit, mais elle aura parfaitement rempli son rôle de porte-étendard et aura permis à Volvo d’obtenir de la visibilité sur le marché nord-américain et d’y connaître une croissance majeure. La P1800 aura également marqué des millions de téléspectateurs à travers le monde en étant conduite par Roger Moore dans les 118 épisodes de la série « Le Saint », diffusés de 1962 à 1969. C’est ce qu’on appelle être auréolé de succès!
Aparté : 5,15 millions de kilomètres !
Quand Irv Gordon acheta sa 1800S rouge en 1966, il ne se doutait pas qu’elle allait l’emmener dans toutes sortes d’aventures. Ce professeur de sciences réalise des trajets quotidiens de 200 kilomètres. Il accumule 800 000 kilomètres en à peine 10 ans. En 1987, il passe la barre du million de milles et rentre au livre Guinness des records en 1998 pour le plus grand kilométrage par un unique propriétaire dans un véhicule non commercial. Les deux millions de milles sont dépassés en 2002 et les trois millions en 2013. Le moteur original aura été refait seulement deux fois. Avec elle, il a visité 48 États américains et 9 pays (dont la Suède). Il a été impliqué dans 11 accidents, fait de nombreuses apparitions à la télé, rencontré plusieurs vedettes ainsi que Pelle Petterson. Lorsqu’il disparaîtra en 2018, Irv aura dépassé la barre des 3,2 millions de milles, soit 5,15 millions de kilomètres, avec sa 1800S. Vous avez dit qualité suédoise?
À voir aussi : Histoire du logo Volvo
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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