Chrysler LeBaron 1977-81 : de zéro à héros
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Chrysler LeBaron 1977-81 : de zéro à héros
Sur le papier, ça ne commençait pas bien. Être basée sur les modèles les plus rappelés de l’histoire aurait dû entraver la carrière de la LeBaron. En fait, ce modèle et ses descendants vont s’avérer très lucratifs pour Chrysler.
Très souvent, les noms des autos sont choisis parce qu’ils sonnent bien ou évoquent quelque chose de spécifique. Ici, l’appellation LeBaron n’est pas sélectionnée que pour son sens de la noblesse. Ell a un historique. Alors qu’ils travaillaient pour Brewster & Co, les designers Raymond H. Dietrich et Thomas L. Hibbard fondent le carrossier LeBaron en 1920. Ce nom est choisi pour sa consonance aristocratique et parce qu’il peut être facilement prononcé en anglais. La compagnie construit de magnifiques autos destinées à une clientèle très huppée. Elle est ensuite rachetée en 1926 par la Briggs Manufacturing Company. Cette société fabrique des carrosseries pour les grandes compagnies automobiles comme Ford, Chrysler ou Packard. LeBaron devient en quelque sorte un bureau de design interne afin de proposer des projets aux constructeurs et aller chercher de nouveaux contrats. Briggs est rachetée par Chrysler en 1953. Deux ans plus tard, la compagnie ajoute à son portfolio une nouvelle marque destinée à concurrencer Cadillac et Lincoln : Imperial. De 1957 à 1975, le nom LeBaron sera associé au plus haut niveau de cette marque (hors limousines).
Double influence
Au début des années 1970, Chrysler, la compagnie, se retrouve dans une situation difficile. La politique d’expansion initiée par Lynn Townsend s’avérera trop ambitieuse. Et la première crise du pétrole d’octobre 1973 va encore accélérer les choses. Chrysler, la marque, voit ses ventes baisser depuis 1969. Les modèles pleine grandeur commencent à moins intéresser le public et les modèles 1974 ne sont pas très bien accueillis. Le salut viendra, en 1975, de la Cordoba, un coupé installé dans le segment des voitures de luxe personnelles (personnal luxury cars) comme la Pontiac Grand Prix ou la Ford Thunderbird. À l’interne, c’est une révolution : un véhicule plus petit qu’un modèle pleine grandeur! Tout est relatif : la Cordoba mesure 5,47 mètres contre 5,77 mètres contre une Newport 1975. L’idée d’une Chrysler encore plus petite se précise. D’autant que le concept de modèles de luxe de plus petit format commence à faire son chemin chez les constructeurs américains. Initiée par BMW et Mercedes-Benz, elle se matérialise chez Cadillac en 1975 avec la Seville et chez Lincoln en 1977 avec la Versailles.
Mais Chrysler, qui a les poches vides, ne peut pas développer unnouveau véhicule. Il doit se contenter de replâtrer les modèles issus de la plate-forme F, les Dodge Aspen et Plymouth Volare. Lancées en octobre 1975 pour le millésime 1976, les deux autos sont bien accueillies par la presse (le magazine Motor Trend lui attribue le titre de Voiture de l’année) et par le public avec 511 068 exemplaires produits. Mais très vite, les problèmes de qualité s’accumulent, tant à cause d’une conception défectueuse que d’une fabrication bâclée. Les rappels se multiplient et les deux modèles acquièrent le titre peu enviable de voitures les plus rappelées de l’histoire, spécialement à une époque où les rappels ne sont pas courants.
Le bouche-à-oreille va se faire et les ventes vont rapidement baisser à partir de 1978. La vérité, c’est que les ingénieurs vont effectuer un gros travail de fiabilisation et d’amélioration de la qualité qui va se voir dès le millésime 1977. C’est ce que confirme Lee Iacocca, qui prendra la tête de Chrysler en novembre 1978, dans son autobiographie : « Les Aspen et Volaré ont été introduites en 1975 mais elles auraient dû être retardées de six mois. L’entreprise avait besoin d’argent et, cette fois, Chrysler n’a pas respecté le cycle normal de conception, de test et de construction d’une automobile. Les clients qui ont acheté les Aspen et Volaré en 1975 agissaient en fait en tant qu'ingénieurs de test pour la marque. Lorsque ces voitures sont sorties, elles étaient encore en phase de développement ». Le gros des rappels concerne le millésime 1976. Présentées en 1977, les LeBaron, sans être des Toyota, ne feront pas spécialement parler d’elles en matière de qualité. Chrysler lui attribue le code de plateforme M-Body bien que les différences avec la plateforme F soient mineures.
Moins équipée mais plus populaire
C’est fin février 1977 que sont dévoilées les Chrysler LeBaron au Salon de l’auto de Chicago. Il y a une différence fondamentale entre les LeBaron et les Aspen/Volaré : si les berlines reposent sur le même empattement de 112,7 pouces (2,86 mètres), les coupés LeBaron utilisent le même empattement que les berlines alors que les coupés Aspen/Volaré bénéficient d’un empattement de 108,7 pouces (2,76 mètres). Côté design, les berlines LeBaron se distinguent par une grille à motifs rectangulaires et des phares lui faisant écho avec des clignotants massifs situés sur le haut. Les coupés reçoivent quant à eux un arrière entièrement redessiné avec des ailes légèrement plus arrondies ainsi qu’un traitement du toit et du coffre particulier.
Techniquement, le châssis de construction monocoque abrite une suspension avant à barres de torsion transversales et un essieu arrière rigide monté sur des ressorts à lames. Les freins sont à disque à l’avant et à tambour à l’arrière. Le seul moteur disponible est un V8 de 318 pouces cubes (5,2 litres) bénéficiant de la technologie Lean Burn (mélange pauvre), développée par la division électronique de Chrysler, basée à Huntsville en Alabama, et introduite sur le marché en 1976 sur le 400 pc (6,6 litres). Grâce à des capteurs de position de l’accélérateur, de température extérieure et de température du liquide de refroidissement, l’ordinateur calcule le moment idéal pour allumer les bougies afin de réduire la consommation et les émissions polluantes. Ce bloc ne développe que 145 chevaux et 245 lb-pi de couple. Il est jumelé à une boîte automatique Torqueflite à 3 rapports avec un rapport de pont de 2,76:1. Autant dire que l’ensemble ne va pas délivrer des performances saisissantes! Ce qui est plutôt logique puisque la LeBaron est d’abord axée sur le confort. Par rapport aux Aspen/Volaré, elle bénéficie également d’une nouvelle planche de bord et d’ajout de matériau insonorisant.
Avant de rentrer dans la liste d’équipements, il faut d’abord parler des différences entre le Canada et les États-Unis. Au sud du 49e parallèle, la LeBaron a été présentée en même temps que la Dodge Diplomat, un modèle similaire et plus luxueux que l’Aspen. Il n’existe pas de version Plymouth. Au Canada, il existe un tel modèle, baptisé Caravelle. Puisque la Caravelle et la LeBaron sont vendues dans le même réseau, la LeBaron est commercialisée dans une seule variante, plus équipée et donc plus chère, afin de ne pas trop phagocyter les ventes de sa cousine plus plébéienne. Aux États-Unis, la LeBaron est disponible en deux versions : de base et Medaillon, plus cossue
Au Canada, l’équipement de base n’est pas très généreux et comprend les butoirs de pare-chocs, la banquette avant 60/40 en tissu avec accoudoir, la direction assistée, les enjoliveurs de roue et un toit en vinyle matelassé pour la berline. Pour profiter de la climatisation, du confort électrique (sièges, vitres, verrouillage et ouverture du coffre), du différentiel arrière à glissement limité Sure-Grip, du dégivrage électrique arrière (au Canada quand même…), de vitres teintées, de la radio (5 types disponibles), du régulateur de vitesse, de la montre digitale, du volant inclinable, de l'intérieur en cuir ou du toit ouvrant, il faut malheureusement mettre la main à la poche. Mais cela donne un avantage commercial face aux Cadillac Seville et Lincoln Versailles qui, elles, viennent de série très équipées : le prix de base. Pour le millésime 1978, la LeBaron est facturée 6 816 CAD alors que la Versailles demande 15 084 CAD et la Seville 16 686 CAD.
La voiture est plutôt bien accueillie par la presse, qui apprécie son insonorisation, son confort, une finition de bon niveau et une tenue de route pas totalement déconnectée de l’asphalte (mais qui n’a quand même rien d’incisif). Dans son édition 1978, Le Guide de l’auto conclut son essai par ces mots : « En résumé, la Chrysler LeBaron est une voiture qui saura plaire à ceux qui ont apprécié les Valiant et Volaré et qui recherchent la même fiabilité mais avec plus de luxe et de confort. Si la tenue de route de cette nouvelle venue n’est pas son premier atout, elle affiche cependant un certain nombre de qualités auxquelles les automobilistes ne sauraient rester insensibles ».
Malgré une arrivée tardive dans le millésime, la LeBaron convainc la clientèle et réalise de bons chiffres (voir tableau ci-dessous). Elle atteint 16,3% des ventes de la marque. Pour Chrysler, c’est un ballon d’oxygène bienvenu.
Faire ce que l’on peut avec ce que l’on a…
Généralement, le millésime qui suit l’introduction d’un nouveau modèle ne connaît que peu de changements. Ce n’est pas le cas de la LeBaron. Chrysler ajoute une carrosserie familiale à la gamme. Habillée en ronce de plastique sur les côtés, cette variante Town & Country ne peut accueillir que 6 personnes, cependant son volume de chargement atteint 2 059 litres. Côté moteurs, l’offre est considérablement augmentée. Au Canada, elle comprend maintenant quatre blocs : 6 cylindres 225 pc (3,7 litres, 110 chevaux), V8 318 pc (5,2 litres 140 chevaux avec carburateur 2 corps et 160 chevaux avec carburateur 4 corps) et V8 360 pc (5,9 litres, 155 chevaux). Le 6 cylindres et le 318 pc 2 corps viennent de série avec une transmission manuelle à 4 rapports tandia que les deux autres V8 viennent avec la boîte automatique en option obligatoire. Les coupés peuvent recevoir en option un nouveau toit T-Top. Aux États-Unis, une version moins chère, simplement baptisée S, est introduite. Au Canada, il n’y a toujours qu’une seule version au catalogue. Grâce à la multiplication de l’offre et le fait que 1978 soit une année de fabrication pleine, les LeBaron voient leur production augmenter de 206%! Pour une marque qui lutte pour sa survie, chaque vente compte. Et avec ce qu’il s’en vient, ce n’est pas gagné.
Côté changements, le millésime 1979 est plutôt calme : grille simplifiée avec lignes horizontales, feux arrière redessinés, vitre arrière plus étroite sur les coupés. Aux États-Unis, la gamme est de nouveau revue et comprend quatre modèles : de base, Salon, Medaillon et Town & Country. Au Canada, pas de changement : version de base pour les coupés et berlines et Town & Country pour les familiales. Un 6 cylindres 225 pc à carburateur 1 corps (100 chevaux) devient le moteur de base. Lui seul a droit à la boîte manuelle de série. Tous les autres doivent obligatoirement venir avec la boîte automatique. Le V8 318 pc 4 corps est supprimé et une option V8 360 pc 4 corps (195 chevaux) est ajoutée. Les puissances sont ajustées : 135 chevaux pour le 318 pc, 150 chevaux pour le 360 pc 2 corps. Un combiné radio CB est disponible en option. Le second choc pétrolier qui démarre début 1979 entraîne une baisse des ventes de la LeBaron de 23,4%. Cette fois-ci, Chrysler est véritablement à terre et il faudra que Lee Iacocca aille devant le congrès pour négocier un prêt garanti.
Dans ce contexte difficile, Chrysler tente tant bien que mal de faire évoluer sa gamme pour 1980. Techniquement, les autos perdent quelques kilos sur la balance. Les calandres sont redessinées avec une grille en forme de chute d’eau. Les phares arrière sont aussi revus. C’est le coupé qui reçoit les plus grosses évolutions. Il repose maintenant sur le même châssis de 108,7 pouces que les Aspen et Volaré. Pour lui, finies les lignes fluides à l’arrière alors qu’il reprend des surfaces similaires à celles des berlines. Le traitement du montant de toit arrière est également revu avec l’intégration d’une petite fenêtre. On peut lui ajouter les ensembles LS Special et LS Limited. Aux États-Unis, une cinquième version d’entrée de gamme est ajoutée, la Special (qui n’a rien de…) et il est possible de commander la familiale sans les côtés en faux bois. Au Canada, pas de changements dans la gamme. Le V8 360 pc est supprimé et l’ensemble des puissances est revu à la baisse : 95 chevaux pour le 225 pc 1 corps, 105 chevaux pour le 225 pc 2 corps, 125 chevaux pour le 318 pc 2 corps et 160 chevaux pour le 318 pc 4 corps.
Une édition limitée Fifth Avenue, sur la base de la berline, est proposée. Réalisée en collaboration avec ASC (American Sunroof Company), elle vient tout équipée et offre un traitement du montant arrière plus vertical avec un toit en vinyle molletonné cerclé par une barre chromée. Vendue près de 11 000 USD, elle ne sera écoulée qu’à 654 exemplaires. Malgré sa rareté, il s’agit d’un modèle très important pour l’avenir de la plate-forme M-Body. En effet, cette nouvelle forme sera reprise en série à partir de 1982. Évidemment, pour une série limitée, Chrysler n’a pas eu le temps de développer de nouveaux emboutis pour le montant de toit. En fait, il s’agit plutôt d’une extension en fibre de verre collée sur les emboutis existants avec du mastic et que le toit en vinyle sert à masquer (photo de la New Yorker Fifth Avenue 1982 ci-dessous). C’est une pratique que l’on retrouve également sur les Lincoln Versailles de 1979-80. Le marché est morose, la confiance des clients en Chrysler est érodée (pas évident d’acheter une auto chez un constructeur qui risque de disparaître…) et la production de la LeBaron baisse de 32,7%.
L’année modèle 1981 marque le lancement vital et tant attendu des K-Cars (Plymouth Reliant et Dodge Aries). Dans ce contexte, Chrysler ne fait évoluer les LeBaron que dans les détails. Au Canada, la finition Medallion est enfin disponible, uniquement sur les coupés et berlines. La production est divisée par deux. Cela devrait être la fin…
En fait, non! Chrysler procède à un grand remaniement de sa gamme pour 1982. Les modèles pleine grandeur R-body, introduits en 1979, sont supprimés. Le nom LeBaron est transféré sur une variante huppée des K-Cars et la M-Body devient la New Yorker (avec le traitement de toit de la série limitée Fifth Avenue de 1980) et prend le rôle de modèle pleine grandeur. En 1983, la New Yorker est à son tour transférée sur la plate-forme K et la M-Body devient Fifth Avenue. Chrysler voulait devenir un constructeur de traction avant, ce modèle propulsion sera toutefois produit jusqu’en 1989 et s’avérera très rentable pour la compagnie. Mais ceci est une autre histoire…
Aparté : Turbine !
Chrysler est le pionnier américain en matière d’application automobile de la turbine. La compagnie travaille sur le sujet depuis le début des années 50 et a produit en 1963 une série limitée de 50 véhicules testés par le grand public. En 1977, la compagnie se trouve dans une situation paradoxale. D’un côté, elle n’a plus vraiment d’argent pour faire ce genre de développement, de l’autre, à cause de la première crise du pétrole, la turbine s’avère intéressante car elle peut brûler de nombreux combustibles autres que du pétrole. Avec le soutien du département américain de l’énergie, elle dévoile un nouveau concept sur une base de LeBaron coupé. Sous un avant spécifique intégrant des phares dissimulés sous des volets mobiles et une grille en forme de chute d’eau se trouve la septième génération de la turbine Chrysler. Elle développe ici 123 chevaux. L’une des conditions du prêt garanti par le gouvernement à Chrysler en 1979 sera l’arrêt des développements expérimentaux. Pour la turbine Chrysler, c’était le chant du cygne…
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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