AMC Matador 1971-78 : il y a des taureaux dans le Wisconsin ?
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AMC Matador 1971-78 : il y a des taureaux dans le Wisconsin ?
AMC Matador 1971-78 : il y a des taureaux dans le Wisconsin?
Quel point commun y’a-t-il entre un rebelle, un toréro, James Bond, un couturier russe aristocrate et la ville de Barcelone? Si vous avez répondu sans regarder le titre, vous êtes très fort! Bon, faisons le tri.
American Motors Corporation, c’est le Petit Poucet de Detroit, le « quatrième des trois grands ». Issu de l’alliance de Nash et Hudson en 1954, AMC a toujours couru après son argent et a dû faire beaucoup avec peu, n’ayant pas la capacité de réaliser les économies d’échelle de ses concurrents. La marque ne devra sa survie dans les tumultueuses années 70 qu’au rachat de Jeep. Et ce n’est malheureusement pas la Matador qui va aider à assainir ses comptes.
Esprit rebelle
C’est souvent dans la contre-programmation qu’AMC est la meilleure. Et c’est peut-être pour cela que la compagnie, sous la marque Rambler, adopte de 1957 à 1960 le nom de Rebel pour sa gamme de modèles intermédiaires. La dénomination réapparait en 1966 comme niveau de finition de la Classic (qui a justement remplacé la Rebel en 1961) alors que le nom Rambler va progressivement être supprimé. Pour 1967, la Classic (et le modèle pleine grandeur Ambassador qui repose sur la même plateforme mais avec un empattement allongé) est redessinée et devient l’AMC Rebel. Les autos sont bien dans l’air du temps, assez élégantes mais très … classiques.
La Rebel évolue régulièrement durant son cycle de production (disparition du cabriolet en 1969 par exemple). En 1970, les parties arrière sont restylées, spécialement pour le coupé qui adopte une forme de pilier C qui semble inspirée par Chrysler. Et puisque nous sommes à l’apogée de l’ère des muscle cars, une version baptisée Rebel Machine (ou The Machine) fait aussi son apparition. Initialement disponible en blanc avec des accents bleus et rouges (il y aura d’autres couleurs en cours de millésime), elle reçoit une double prise d’air sur le capot, des freins à disque à l’avant, une suspension renforcée, un échappement double, une boîte de vitesses manuelle à 4 rapports et le moteur le plus puissant jamais offert par AMC au grand public : un 390 pc (6,4 litres) de 340 chevaux. Seulement 2 326 exemplaires seront produits.
Une nouvelle image
Pour 1971, les Rebel et Ambassador sont « redessinées ». La présence des guillemets est ici nécessaire car le style évolue peu par rapport à 1970, si ce n’est au niveau de la calandre. Pourtant, en dessous du châssis monocoque, il y a du nouveau : l’empattement est allongé de 4 pouces et passe à 118 pouces (3 mètres) alors que celui de l’Ambassador ne bouge pas (122 pouces/3,10 mètres). Mais les soubassements restent essentiellement ceux de la Rebel.
AMC, conscient des mouvements de protestation de l’époque, notamment contre la guerre du Vietnam, désire changer le nom de sa gamme intermédiaire, Rebel n’étant plus nécessairement une bonne image de marque pour son produit. Après moult recherches, les gens du marketing vont arriver avec le nom Matador, choisi pour sa virilité. Chrysler l’a déjà utilisé dans sa gamme Dodge pour le seul millésime 1960. Cette décision ne sera pas trop appréciée dans les pays hispanophones, matador signifiant essentiellement toréro mais pouvant également dire tueur ou assassin. Mais ne vous inquiétez pas, la Matador ne va pas tuer grand-chose sur le marché…
La gamme comprend trois carrosseries : des berlines en 2 et 4 portes une familiale. Toutes offrent de la place pour 6 personnes alors que la familiale peut recevoir en option une troisième banquette pour 2 passagers additionnels. Pas moins de six moteurs sont disponibles : deux 6 cylindres de 232 pc (3,8 litres, 135 chevaux) ou 258 pc (4,2 litres, 150 chevaux) ainsi que quatre V8 de 304 pc (5 litres, 210 chevaux), 360 pc (5,9 litres, 245 chevaux avec carburateur 2 corps et 285 chevaux avec carburateur 4 corps) et 401 pc (6,6 litres, 330 chevaux). Les 6 cylindres ont droit à une boîte de vitesses manuelle à 3 rapports de série et peuvent recevoir en option une automatique à 3 rapports Shift Command (fournie par Borg Warner, avec levier à la colonne ou au plancher selon le choix de sièges avant).
Les V8 viennent d’office avec la boîte automatique sauf les deux plus puissants qui peuvent bénéficier d’une boîte manuelle à 4 rapports, seulement avec l’ensemble Go Package. Cette option est similaire à la Rebel Machine de l’année précédente. Elle comprend l’échappement double, les freins à disque avant et la suspension renforcée. Elle ne sera pas du tout populaire (il semble qu’AMC n’en ait produit qu’une cinquantaine d’exemplaires) et ne sera donc pas reconduite.
La Matador n’est proposée qu’avec un seul niveau de finition. Comme d’habitude à cette époque, les options sont légion : peinture deux tons, toit en vinyle, faux bois sur les côtés (seulement en familiale), sièges baquets, différentiel arrière à glissement limité, direction et freins assistés, freins à disque (seulement sur les V8), trois types de radios (les haut-parleurs arrière ne peuvent pas être installés dans la familiale), la climatisation, les vitres teintées, le régulateur de vitesse, la galerie de toit (familiale uniquement), la colonne de direction inclinable, les essuie-glaces électriques, l’horloge, la suspension renforcée, l’ensemble Remorquage et le dégivrage arrière (même au Canada, sauf sur les familiales). Bref, le prix de base (3 219 CAD en 4 portes, 3 279 CAD en 2 portes et 3 624 CAD en familiale) est relativement attractif mais l’acheteur n’avait pas d’autre choix que de mettre la main à la poche.
Si AMC possède plusieurs sites de production (notamment au Canada), les Matador sont construites à l’usine historique de la marque, située à Kenosha dans le Wisconsin. Elle a été ouverte en 1902 et a cessé la fabrication d'automobiles le 23 décembre 1988 pour devenir une usine de moteurs pour Chrysler (qui a racheté AMC en 1987). Elle a été fermée en 2010 pour être démolie en 2012.
La voiture ne révolutionne rien, ce que confirme le Guide de l’auto dans son édition de 1972 lors d’un essai d’une berline 4 portes dotée d’un V8 304 pc. Morceaux choisis : « Si l’apparence extérieure de la Matador n’apporte rien de nouveau ni de particulièrement excitant, l’intérieur, lui, est extrêmement soigné. Le premier point qui nous frappe est l’espace intérieur très supérieur à la majorité des voitures de cette catégorie. […] Le cendrier, lui, est beaucoup trop loin sous le tableau de bord et d’un accès très difficile. […] La tenue de route, par contre, laisse beaucoup à désirer pour les amateurs de conduite sportive ou rapide. […] Lorsqu’on essaye de pousser l’auto dans ses derniers retranchements, elle décroche assez brutalement de l’arrière. Sa sensibilité au vent latéral nous a aussi beaucoup étonné et cela rend les dépassements de poids lourds particulièrement délicats à haute vitesse. Le freinage est efficace mais imprécis et force le conducteur à corriger sans cesse la trajectoire. Des disques à l’avant sont cependant optionnels et certainement souhaitables. […] Ses dimensions, son aménagement et la grande capacité de son coffre arrière demeurent certainement ses meilleurs atouts par rapport à ses concurrentes. »
Les ventes ne sont pas non plus éclatantes avec un peu plus de 43 000 exemplaires (voir tableau de production en fin de texte). Pour comparaison, Chevrolet écoulait la même année 335 566 exemplaires de sa Chevelle.
Discrètes
Il n’y a pas de changements significatifs pour le millésime 1972, le plus important étant une nouvelle garantie 12 mois/12 000 milles de pare-chocs à pare-chocs. Les standards de puissance passent de brut à net et les chiffres annoncés sont en baisse : 100 chevaux pour 232 pc, 110 pour le 258 pc, 150 pour le 304 pc, 175 pour le 360 pc 2 corps, 195 pour le 360 pc 4 corps et 255 pour le 401 pc. La boîte manuelle à 4 rapports n’est plus disponible et l’automatique Shift Command est remplacée par la Torque Command, toujours à 3 rapports (en fait une Torqueflite fournie par Chrysler). Le dessin de la calandre est simplifié et certains aménagements intérieurs sont revus.
Même son de cloche pour 1973 : nouveau pare-chocs avant, nouvelle grille avant, quelques aménagements intérieurs et… c’est tout. Si les Matador sont relativement populaires auprès des gestionnaires de flottes (notamment ceux de la police), les modèles traînent de la patte auprès du grand public, spécialement la version 2 portes. AMC va tenter quelque chose.
Un nouvel espoir
Grâce, entre autres, au lancement réussi de la Gremlin et au rachat de Jeep en 1970, AMC réalise des profits pour 1971, 1972 et 1973. Des petits profits certes, mais des profits quand même. C’est pourquoi Gerald C. Meyers, le vice-président responsable du développement produit, demande à Dick Teague, vice-président responsable du design, de faire quelque chose pour le coupé. À partir de 1969, grâce à la Pontiac Grand Prix, le marché des coupés personnels explose. Progressivement, tout le monde va s’engouffrer dans la brèche. Teague se dit qu’il y a peut-être un bon coup à jouer.
D’autant que le projet a une enveloppe plutôt généreuse (pour AMC) de 40 millions de dollars pour le développement et l’outillage. Le style extérieur est confié à Bob Nixon. Celui-ci est entré chez AMC en 1959 pour rapidement monter dans les rangs. Il sera impliqué dans le design des Gremlin et Pacer. Il remplacera Teague en 1983 quand ce dernier partira à la retraite. Lorsqu’AMC sera rachetée, il continuera sa carrière chez Chrysler jusqu’en 1992 avant de partir à la retraite. Quant à l’intérieur, il est réalisé par l’équipe de Vince Geraci.
Le produit de leur labeur est présenté en septembre 1973 pour le millésime 1974. Reposant sur un empattement réduit de 4 pouces (114 pouces, 2,90 mètres), le coupé offre au regard des lignes fluides qui n’ont rien à voir avec la berline avec des ailes arrière inspirées du concept AMX/3. Les pare-chocs sont séparés de l’auto (alors que tous les constructeurs essayent de les intégrer aux lignes grâce à des caches en plastique) tandis que c’est la thématique du cercle qui marque les phares, spécialement à l’avant où ils dépassent du capot. Globalement, le design est apprécié par la presse spécialisée de l’époque, y compris le Guide de l’auto qui considère, dans son édition de 1974, que Dick Teague « a réussi un coup de maître ». De plus, la Matador coupé offre des places arrière plutôt accueillantes. Trois niveaux de finition sont proposés : de base, X (orientée plus sportive avec le 304 pc de série) et Brougham (plus luxueuse).
Au début des années 70, AMC s’est fait une spécialité de présenter des séries spéciales réalisées en collaboration avec des couturiers : Hornet Sportabout Gucci, Javelin Pierre Cardin ainsi que Hornet et Gremlin Levi’s. La Matador coupé ne va pas y échapper. Cette fois-ci, AMC fait affaire avec Oleg Cassini. Cassini, de son vrai nom Oleg Loïevsky, est né à Paris de parents aristocrates russes. Après avoir ouvert sa propre boutique de vêtements à Rome, il part en Amérique en 1936 et commence à créer des costumes pour les studios de cinéma en 1940. Il habillera de nombreuses vedettes hollywoodiennes (il épousera Gene Tierney et se fiancera avec Grace Kelly). À partir de 1960, il deviendra le couturier officiel de Jackie Kennedy. Il fera une longue carrière dans le milieu de la mode.
L’édition Cassini ne sera disponible que sur la version Brougham. Trois couleurs sont offertes : blanc, cuivre et noir. Les accents cuivrés sont partout, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur (certains accents sont noirs sur les modèles de couleur cuivre). La sellerie et les garnitures intérieures sont noires. On retrouve l’écusson Cassini sur les ailes avant, les appuie-têtes et la porte de la boîte à gants. Lors de la présentation à la presse, Cassini va déclarer : « Mon intention était de créer un look harmonisant chaque partie de la voiture, à l'extérieur et à l'intérieur, grâce à la couleur et à la texture des tissus. » Il se murmure qu’en fait, ce serait les équipes d’AMC qui auraient fait l’essentiel du travail, Cassini n’ayant qu’un impact limité. L’ensemble ne sera proposé que durant deux années modèle et connaîtra une diffusion réduite (6 165 exemplaires en 1974, 1 817 en 1975).
Les berlines et familiales connaissent aussi des changements importants : calandre proéminente et nouveaux pare-chocs imposants pour respecter les normes fédérales d’impact, nouveau faciès arrière, nouvelle planche de bord (avec un emplacement horizontal pour la radio au lieu de vertical précédemment) ainsi que les garnitures et la selleries revues. Les modifications techniques sont limitées (suspension recalibrée, V8 401 pc à 235 chevaux). Si les ventes des berlines et familiales vont continuer de baisser, le coupé, quant à lui, va réaliser un vrai carton avec plus de 62 000 exemplaires produits. Chez AMC, on se dit qu’on a touché le jackpot!
Mon nom est…
La vedette du millésime 1975 chez AMC, c’est évidemment la Pacer. Mais la Matador coupé va bénéficier d’une publicité de luxe à travers toute la planète. En effet, AMC a signé un partenariat avec Eon productions pour fournir les autos du neuvième opus des aventures de l’agent le moins secret du monde, James Bond 007 : L’Homme au pistolet d’or (The man with the golden gun). Le film sort à la fin de l’année 1974. L’auto qui va attirer l’essentiel de l’attention est une Hornet coupé qui va réaliser un saut vrillé entre les deux parties d’un pont. La cascade a été simulée sur ordinateur au Cornell Aeronautical Laboratory, une première en 1974. Quant à la Matador, elle est conduite est par le vilain principal du film, Scaramanga. Après une course poursuite, elle reçoit des ailes d’avion et un réacteur dans un entrepôt (les systèmes de vol sont dissimulés dans la planche de bord et le plafonnier) et décolle pour échapper à James Bond. Sur la première partie des plans, on voit la voiture à l’échelle 1 alors que dans ceux où elle s’envole il s’agit, bien évidemment, d’une maquette.
Les changements pour 1975 sont limités : nouvelles calandres, allumage électronique pour le passage à l’échappement catalysé, arrêt des 232 et 401 pc (ce bloc est cependant encore offert aux flottes, également en 1976) et apparition d’un niveau Brougham pour les berlines et familiales. Malgré la publicité du film et malgré la disparition de l’Ambassador (qui place de facto la Matador en haut de la gamme AMC), les ventes ne décollent pas. Pire, celles du coupé s’effondrent de 64%. Apparemment, passé la demande initiale, il n’y a plus tant d'acheteurs que ça (pourtant, le segment des coupés personnels est alors en plein essor). Finalement, AMC n’a pas touché le jackpot…
Espoirs déçus
À partir de 1976, les évolutions vont être limitées. Pour ce millésime, les grilles avant sont de nouveau retouchées, un ensemble Barcelona remplace la Cassini (il comprend une sellerie exclusive en tissu Knap, qui ressemble à du velours, des couverts de roues spécifiques et des écussons spéciaux) sur le coupé Brougham et la finition X est supprimée.
L’année suivante, la Barcelona est remplacée par la Barcelona II (changement de nom probablement justifié par l’arrêt de la finition Brougham) qui bénéficie d’une peinture deux tons, d’un toit en vinyle revu, de roues et de pare-chocs couleur carrosserie. La boîte manuelle à trois rapports est supprimée, tout comme la variante à carburateur 4 corps du 360 pc. La garantie pare-chocs à pare-chocs passe de 12 mois/12 000 milles à 24 mois/24 000 milles… mais pour un an seulement, AMC réalisant sans doute que cela lui coûtait un peu trop cher. Le millésime 1978 est le dernier pour la Matador. Le nom Barcelona II est remplacé par Barcelona et l’ensemble est étendu aux berlines. Il peut être commandé en beige ou en rouge.
Le niveau des équipements est revu à la hausse et le 304 pc est supprimé. Tout ceci ne suffit pas et les ventes, déjà peu reluisantes, s’effondrent.
Note : pour 1976, les chiffres sont donnés par moteur pour la berline et le coupé (4 993 6 cylindres et 25 471 V8)
La Matador, pourtant une voiture honnête, n’a jamais trouvé sa place sur le marché, probablement à cause du manque d’image d’AMC. Pour survivre, la marque va revoir sa gamme en 1979 (remplacement de la Gremlin par la Spirit alors que la Hornet devient le nouveau haut de gamme) et signer un accord de collaboration avec Renault (accord de principe en mars 1978 et contrat final en janvier 1979). Mais ceci est une autre histoire…
PS : Bien évidemment, vous avez déjà entendu parler de la Matador la plus célèbre du Québec. Un petit indice : c’est une familiale et elle est brune. Et si cela ne vous dit toujours rien, vous pouvez la retrouver juste en dessous.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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