Les origines de la Ford Thunderbird
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Les origines de la Ford Thunderbird
Peu de voitures ont atteint le statut de véhicule culte dès leur lancement. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire un petit cabriolet deux places imaginé par Ford.
La légende raconte que c’est en octobre 1951 que commence l’histoire de la Thunderbird. Lewis Crusoe, directeur général de la marque Ford, et George Walker, responsable du design de la Ford Motor Company, sont au Salon de l’auto de Paris. Crusoe est impressionné par les roadsters anglais, notamment la Jaguar XK 120, et le concept LeSabre de la General Motors. « Pourquoi n’avons-nous rien comme cela? » demande-t-il à Walker. Et ce dernier de répondre « Mais nous l’avons! » avant de se ruer sur un téléphone afin de contacter les stylistes de Detroit pour qu’ils commencent en urgence à travailler sur une voiture de sport. Le problème, c’est que ce n’est qu’une légende…
Merci Chevrolet!
Nombre d’historiens de l’automobile s’accordent à dire que cette histoire n’est pas réaliste (elle se situe au moins un an trop tôt par rapport à l’échéancier réel de la Thunderbird) et qu’elle a été très probablement inventée par Walker lui-même, qui était, paraît-il, plus doué pour l’autopromotion que pour le design automobile. Attention, Walker est un véritable designer industriel avec une vaste expérience, mais plusieurs de ses collaborateurs sont d’accord sur le fait qu’il accaparait facilement le crédit du travail des autres… comme ce fut déjà le cas sur le style de la Ford 1949 par exemple. Il deviendra officiellement vice-président chargé du design de Ford en 1955 (sa compagnie était jusque-là sous contrat), avant de prendre sa retraite en 1961.
En fait, l’origine de la T-Bird remonte à la naissance de la Chevrolet Corvette. Dans une Amérique qui commence à découvrir les roadsters anglais, Harley Earl, vice-président chargé du design de General Motors, imagine un petit roadster bon marché sur base Chevrolet. La Corvette est présentée le 17 janvier 1953, au Motorama, qui se tient à l’hôtel Waldorf-Astoria de New York. Le 9 février 1953, Ford approuve le lancement d’un programme accéléré pour le développement d’une voiture sport à deux places. Il n’y a pas de coïncidences…
En fait, l’influence de la Corvette démarre même encore un peu plus tôt. En effet, c’est en découvrant - courant 1952 - les photos de la future deux places Chevrolet (grâce à un ami travaillant chez GM) que Frank Hershey, responsable du style de la marque Ford, avait déjà commencé à travailler dans son coin sur un concept de cabriolet sport. Hershey est un personnage intéressant. Après avoir commencé sa carrière chez le carrossier californien Murphy, il ira chez GM où il deviendra directeur du studio de design de Pontiac (c’est lui qui créera la signature des Pontiac de 1935 à 1956, le fameux Silver Streak). Viré pour une bizarre histoire de cendriers, il apprendra des années plus tard que Harley Earl souhaitait qu’il soit son remplaçant à la tête du design de GM. À la place, ce sera Bill Mitchell et Hershey ira chez Ford… qu’il quittera lorsque Walker sera nommé vice-président!
Merci Jaguar!
Comme Earl et Chevrolet, Hershey puise son inspiration dans la Jaguar XK120 pour les dimensions de base (les trois autos auront d’ailleurs le même empattement de 102 pouces) ainsi que pour la position de conduite. Mais il faut aller extrêmement vite, car les premiers modèles en argile à l’échelle 1 doivent être montrés à la direction le 1er mai 1953.
Hershey et son équipe (Bill Boyer, qui travaillera aussi sur d’autres générations de T-Bird, David Ash, Damon Woods et Bob Maguire) comprennent que la voiture ne doit pas être une auto sport au plus pur sens du terme mais doit plutôt combiner allure sportive, confort et luxe. Donc, pas de carrosserie en fibre de verre ni de vitres latérales amovibles comme sur la Corvette. Ni de 6 cylindres d’ailleurs… À la place, carrosserie en acier, vitres descendantes, de l’équipement et un V8 de série. En plus de la vitesse d’exécution, les designers ont la contrainte supplémentaire d’utiliser un maximum de pièces de la Ford 55, afin de justifier économiquement ce projet de « niche » (notamment les feux avant et le tableau de bord). Ils réalisent un style simple, sans fioritures, avec une ligne de caisse basse. Ceci posera d’ailleurs un problème car le filtre à air du moteur ne passera plus sous le capot. Cette complication sera réglée par l’ajout d’une prise d’air fonctionnelle. À l’intérieur, des sièges baquets sont un temps envisagés mais ne seront pas retenus.
La maquette est finalement présentée à la direction le 18 mai 1953 et est immédiatement acceptée. Si Walker prend le crédit pour le style, il n’en aura réalisé aucune ligne... En fait, sa seule implication sera l’addition de barres de chromes similaires à celles de la Fairlane 1955 durant les vacances d’Hershey. Ce dernier réussira à les faire enlever au dernier moment, à son retour.
Pendant ce temps, l’ingénieur Bill Burnett développera le châssis (celui de la Ford 1955 deux portes raccourci de 115,5 à 102 pouces d’empattement) et effectuera les ajustements de suspension. Le moteur retenu est le bloc Y de 292 pc (4,8 litres) installé normalement dans les Mercury (les Ford « normales » ont droit à un 272 pc) et développant 193 chevaux en boîte manuelle ou 198 en automatique. La boîte manuelle trois rapports vient de série et l’acheteur pourra opter soit pour une overdrive sur la manuelle soit pour une automatique trois rapports Ford-O-Matic en supplément.
À l’été 1953, la décision finale est prise de construire le modèle. Crusoe partira en Europe à l’automne 1953 ce qui, en voyant les véhicules proposés là-bas, confirmera son choix d’aller de l’avant. Il reste encore un tout petit détail à régler…
Quel nom lui donner ?
Comment nommer le modèle? Plusieurs idées sont testées, mais rien ne satisfait vraiment. Alors, un concours interne est organisé. Des milliers de noms sont suggérés, dont El Tigre, Roadrunner, Falcon (à ce moment en possession de Chrysler) ou Detroiter. Le problème est long à régler et des photos d’exemplaires de présérie montrent le nom de Fairlane, la nouvelle ligne haut de gamme des Ford pour 1955, sur le capot. Finalement, c’est le styliste Alden Giberson qui suggère « Thunderbird ». Il s’agit d’une créature mythique des populations autochtones d’Amérique du Nord censé apporter pluie et fertilité.
La T-Bird est présentée pour la première fois au public au Salon de Detroit, le 20 février 1954. Le premier modèle sort de l’usine de Dearborn, dans le Michigan, le 9 septembre 1954 et les ventes débutent le 22 octobre 1954 au prix de 2 944 $ américains ou 4 090 $ canadiens. Bizarrement, le toit rigide en fibre de verre amovible vient de série et pour obtenir une capote en tissu, il faut payer un supplément de 75 $. Parmi les options, on retrouve les freins et la direction assistés, les vitres et sièges électriques, la radio ou les pneus à flanc blanc.
Une carrière courte
Le millésime 1956 apporte son lot d’innovations. Le châssis est renforcé et, pour gagner de la place dans le coffre, la roue de secours est intégrée au nouveau pare-chocs arrière, à la manière des Lincoln Continental.
Des entrées d’air sont ajoutées sur les ailes avant et une vitre ronde dans le toit rigide (nommée porthole en anglais) est disponible en option afin d’améliorer la visibilité ¾ arrière. Côté mécanique, les suspensions sont assouplies et un nouveau 312 pc (5,1 litres) est offert en option (215 chevaux avec l’overdrive et 225 avec l’automatique, le 292 pc de 202 chevaux venant uniquement avec la boîte manuelle à 3 rapports).
Pour 1957, les changements sont plus profonds. Le restylage amène de nouveaux pare-chocs, une nouvelle grille avant et des ailerons plus marqués (harmonisés avec les Ford 1957), l’arrière est allongé (la roue de secours retourne dans le coffre), les roues passent de 15 à 14 pouces et la planche de bord est entièrement revue. L’offre des moteurs est modifiée. Le 292 pc de base développe maintenant 212 chevaux, le 312 pc optionnel 245 alors qu’une variante à double carburateur 4 corps est ajoutée (270 ou 285 chevaux avec l’ensemble Compétition). Une rarissime version à compresseur McCulloch/Paxton est aussi proposée (300 chevaux en version de rue, 340 en version NASCAR).
Merci Ford!
Ford avait calculé que la rentabilité du projet se situait aux alentours de 16 000 exemplaires, ce qui était ambitieux car, en 1954, Chevrolet n’avait produit que 3 640 Corvette. Ford réalisera pourtant son objectif avec 16 155 T-Bird écoulées en 1955 (contre 700 Corvette), puis 15 631 en 1956 (contre 3 467 Corvette) et finalement 21 380 en 1957, en partie due à un millésime plus long (contre 6 339 Corvette).
Ironie de l’histoire, le lancement réussi de la T-Bird contribuera à sauver la Corvette, qui était très proche de passer sur l’échafaud. Malgré ce succès, Robert McNamara, président de la division Ford et futur secrétaire à la défense des gouvernements Kennedy et Johnson, exigera que la Thunderbird devienne une quatre places pour 1958, afin d’en améliorer la rentabilité. Bien lui en prendra, les ventes augmenteront de près de 80%! Au final, la T-Bird connaîtra 11 générations et sera commercialisée à plus de 4,4 millions d’exemplaires jusqu’en 2005.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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