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Moteur Honda CVCC : la leçon

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Message  Mau-Laval Dim 07 Mai 2023, 06:29

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Soichiro Honda a déclaré en entrevue : « Quand le Congrès américain passe de nouvelles normes de pollution, nous engageons 50 ingénieurs de plus et GM engage 50 avocats de plus ». C’est avec cet état d’esprit que la marque japonaise a été la seule à passer les premières normes américaines de pollution de 1975 sans l’aide de pots catalytiques.

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Le problème de la pollution atmosphérique ne date pas d’hier. Dès 1955, le Congrès américain vote un décret concernant des programmes de recherche et de formation. En 1963, le premier Clean Air Act est promulgué. Il fixe les premiers standards d’émission pour les véhicules du millésime 1968. En 1966, la Californie établit l’Air Resource Bureau (ou CARB), lequel développera ses propres normes. En 1970, c’est au tour du gouvernement fédéral de créer l’Environmental Protection Agency (EPA).

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Le 31 décembre 1970, Richard Nixon signe une révision importante du Clean Air Act de 1963 qui stipule qu’à partir du millésime 1975, les autos devront émettre un dixième de leurs niveaux de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrocarbures (HC) par rapport à 1970. À compter de 1976, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) devront également être divisées par 10. Chez les constructeurs américains, c’est le tollé général.

Au Japon, à cause de la croissance extrêmement rapide du marché automobile après la Seconde Guerre mondiale, la situation n’est pas meilleure et le gouvernement japonais doit instaurer de strictes lois de contrôle de la pollution dès 1966.

Partir de rien

Fondé par Soichiro Honda en 1946, Honda est devenu le plus gros fabricant de motos du monde en 1959. Ce n’est qu’en 1963 que la compagnie commercialise ses premiers véhicules à 4 roues : la camionnette compacte T360 et le cabriolet sport S500. En 1965, Honda n’est encore qu’un jeune constructeur automobile, mais commence à s’intéresser aux problèmes de pollution atmosphérique. À l’été, il établit un premier laboratoire de recherche (AP Lab).

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« Nous n’avions aucune réponse quant à la cause de la pollution de l’air à l’époque » explique Taksu Date, directeur de la recherche et du développement de Honda à l’époque. « Tout ce que nous avions, c’était un appareil qui mesurait le monoxyde de carbone. Nous avons même dû demander ce qu’étaient les NOx et les HC, car au Japon, il n’y avait pas d’équipements disponibles pour les mesurer. »

Les ingénieurs testent de nombreuses technologies déjà connues, y compris le diesel, le moteur rotatif ou les catalyseurs. Rapidement, ils arrivent à la conclusion que le meilleur moyen de limiter les émissions polluantes, c’est d’obtenir la combustion la plus complète possible dans le cylindre. La solution qui va finalement s’imposer à Taksu Date et à ses équipes : la charge stratifiée.

Riche contre pauvre

Dans un moteur à combustion, le ratio idéal entre l’air et l’essence, appelé rapport stœchiométrique, est de 14,7:1 (soit 14,7 grammes d’air pour 1 gramme d’essence). Une valeur plus élevée est considérée comme un mélange pauvre, ce qui est bon pour la consommation d’essence, mais peut provoquer des combustions instables ou incomplètes. Une valeur moins élevée entraîne une combustion plus stable, mais heurte la consommation. Différentes solutions sont testées par les équipes d’AP Lab pour obtenir un mélange optimal (chauffer le mélange, augmenter les turbulences dans la chambre, allumage plus fort, plusieurs bougies), sans résultats.

L’idée de la charge stratifiée est de créer un mélange riche autour de la source d’allumage afin de générer un front de flamme puissant, capable de brûler le restant du mélange dans le cylindre qui, lui, est pauvre. Plus facile à dire qu’à faire… Les premiers travaux sur cette technologie datent du début du 20e siècle et plusieurs prototypes seront construits (Texaco TCCS et Ford PROCO notamment). Le moteur Nilov russe est utilisé sur des bateaux, mais, à la fin des années 60, aucune application commerciale automobile n’est disponible.

Taksu Date a ainsi l’idée de recourir à une chambre de combustion auxiliaire, un peu à la manière des moteurs diesel de l’époque, qui font appel à une préchambre pour réaliser le mélange air/carburant. Un mélange riche (à 4:1) est introduit dans la préchambre, où est aussi placée la bougie, tandis qu’un mélange pauvre (à 20:1) est introduit dans le cylindre par la soupape d’admission. Le mélange riche représente environ 5% de la composition totale. Au point mort haut, la bougie allume le mélange riche et la flamme part dans tout le reste du cylindre.

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L’idée est séduisante pour Honda car, à l’époque, aucun autre constructeur ne semble suivre cette piste. Les travaux démarrent en 1969. Junji Otani et Akira Okubo sont responsables du dessin des têtes. Les premiers essais, justement menés fin 1969 sur un moteur diesel modifié, s’avèrent prometteurs. De nouveaux essais sur une variante monocylindre du bloc de la N600 confirment les résultats préliminaires. Honda utilise également des moteurs Nissan refroidis par eau pour ses tests (le développement du CVCC et l’échec du modèle 1300 accéléreront le passage de Honda au refroidissement par eau).

Mise sous pression

Constatant la bonne avancée des travaux, Soichiro Honda décide de faire une annonce publique concernant le nouveau moteur. Le 12 février 1971, il tient une conférence de presse où il déclare « Nous avons maintenant la perspective de développer un moteur répondant aux normes antipollution de 1975. Nous lancerons la production commerciale de ce moteur en 1973. » L’objectif de Honda derrière cette annonce est de forcer les ingénieurs à livrer un produit fini. Il révèle également le nom de ce moteur : CVCC pour Compound Vortex Controled Combustion. Il a été trouvé par Taksu Date, Shizuo Yagi et Kazuo Nakagawa et reflète les idées fondamentales de la technologie sans rien dévoiler de la chambre auxiliaire car les ingénieurs sont à ce moment en cours de dépôt de demandes de brevet.

Beaucoup reste à faire pour obtenir une certification de l’EPA : calibration des carburateurs, redessiner la chambre auxiliaire et les tubulures d’échappement… Les choses s’accélèrent durant 1972. Les premiers prototypes sont complétés à l’été. Le 11 octobre 1972, le moteur final est présenté à l’Akasaka Prince Hotel de Tokyo par Soichiro Honda. La marque annonce que, puisque les modifications portent uniquement sur les têtes, le CVCC pourra être installé sur des moteurs existants et qu’il pourra passer les normes de 1975 sans système de traitement additionnel, de type pot catalytique. À ce moment, Honda a déposé 230 demandes de brevet. Et tout ça, c’est sans parler du lancement de la nouvelle Civic sur le marché japonais en juillet 1972.

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Devant les annonces de Honda, l’EPA demande au constructeur si des autos peuvent être envoyées en Amérique pour des essais. Trois Civic sont expédiées dans un laboratoire d’Ann Arbor, dans le Michigan, pour une évaluation complète. Elles sont modifiées avec des sacs de sable pour peser 2 000 livres. L’agence publie en décembre 1972 un document de 14 pages qui peut se résumer par : le moteur CVCC est le premier à passer les normes de 1975. De plus, l’EPA souligne qu’il n’y a pas d’impact sur la qualité de la conduite ou la consommation alors qu’il y a suffisamment de marge de manœuvre pour que la technologie soit valide dans un véhicule plus lourd. Des ajustements seront par contre nécessaires pour passer les niveaux de NOx de 1976. Pour Honda, c’est une incroyable victoire!

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La réponse américaine

La marque est désireuse d’offrir sa technologie à d’autres constructeurs sous forme de licence. Toyota sera le premier à signer. Ford se montrera un temps intéressé (son système PROCO n’ira nulle part), mais abandonnera l’idée. Quant à General Motors, c’est un strict non. Suite à l’amendement de 1970, la société s’est massivement engagée dans la voie des pots catalytiques. Richard Gerstenberg, alors président de GM, déclare en 1973 : « Nous avons examiné cette technologie, et bien qu’elle puisse fonctionner sur un petit moteur de moto-jouet, je ne vois aucun potentiel pour l’un de nos moteurs automobiles ».

Soichiro Honda est un homme affable, qu’il ne faut toutefois pas trop provoquer. Sa réponse sera épique. Il fait acheter une Chevrolet Impala 1973 et la fait envoyer au Japon. Là, il fait construire des têtes de moteurs CVCC pour le 350 pouces cubes (5,7 litres) installé dedans. La voiture est retournée aux États-Unis pour être testée par l’EPA, tests qu’elle passe haut la main sans catalyseur. Et si vous croyez qu’il s’agit d’une histoire trop belle pour être vraie, il existe un document de 13 pages émis par l’EPA en octobre 1973 qui se conclut par ces mots : « La capacité du concept de moteur CVCC à répondre aux normes d’hydrocarbures et de monoxyde de carbone pour 1975/76 lorsqu’il est appliqué à un véhicule de pleine grandeur a été confirmée ». La claque!

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La bonne idée au bon moment

La Civic est introduite sur le marché nord-américain pour le millésime 1973. Le modèle 1975, avec le nouveau moteur CVCC de 1 488 cm3 de 52 chevaux, est officiellement certifié par l’EPA en novembre 1974. Alors que tous les concurrents utilisent des pots catalytiques, qui doivent absolument consommer de l’essence sans plomb, la Civic peut fonctionner indistinctement avec les deux types d’essence, un gros avantage en ces temps où, après le premier choc pétrolier d’octobre 1973, l’essence est encore parfois rationnée. Ceci, combiné à la meilleure cote de consommation, s’avérera un excellent argument de vente. Les consommateurs commencent à ce moment à regarder la marque sous un nouvel angle. En 1975, Honda devient le quatrième importateur aux États-Unis, derrière Volkswagen, Toyota et Nissan. Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

Avec le durcissement des normes de pollution, les moteurs CVCC devront utiliser des pots catalytiques à partir de 1980. Entre-temps, Honda aura connu une croissance majeure en Amérique du Nord. Sous ses différentes formes, les moteurs CVCC seront produits jusqu’en 1990 et seront montés dans de nombreux modèles à travers le monde, y compris les Accord et Prelude sur le continent nord-américain. Honda passera ensuite progressivement à son système d’injection PGM-F1. À la fin des années 70, le slogan de la marque aux États-Unis était « We make it simple » (Nous rendons ça simple). Le CVCC en était possiblement la meilleure illustration!

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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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